Hé, j'ai presque une semaine entière à vous raconter !

Vendredi soir dernier, je reçois un courriel d'un ami tchèque, qui me dit qu'avec d'autres étudiants en échange, ils vont aller à Tallinn (capitale de l'Estonie, juste de l'autre côté du golfe de Finlande). Bien sûr c'est le lendemain, et le bateau part tôt. Très tôt. Mais bon, je me dis que ça sera amusant, et que je pourrai toujours dormir pendant le trajet si j'ai besoin, donc je vais réserver le billet sur le site internet de la compagnie. Tout fonctionne à merveille sauf que en fait... non. Pour une raison que la technologie ne saura expliquer, ma carte est refusée. Qu'à cela ne tienne, je n'ai qu'à y aller demain, et acheter un billet au guichet. C'est une navette régulière, quotidienne, il y aura forcément de la place, et au pire, j'aurai juste perdu une heure de mon samedi. Mais en fait... non. Le bureau de vente des billets ouvre une demi-heure après le départ du bateau. Comme c'est pratique...

Donc tant pis pour Tallinn, je verrai l'Estonie une autre fois. J'ai surement largement à faire avec la Finlande. D'ailleurs, je passe un bout d'après-midi à Helsinki avec Heini, une amie de longue date (« correspondante ») que j'ai donc vue pour la première fois. Comme prévu, ça fait tout drôle, de voir en vrai quelqu'un que l'on ne connaissait que par l'écrit. C'est bien la même personne, la même manière d'utiliser la langue anglaise, le même humour, les mêmes idées, mais... pas pareil. Il y a tout le reste en plus, tout ce que je ne connaissais pas. Tout le langage corporel, la voix, l'apparence, la manière de marcher, de bouger, d'occuper l'espace... Ce n'est pas la première fois que ça m'arrive, mais c'était surement la plus importante. On a passé un bon moment, en tout cas, à nous balader dans la ville et à bavasser comme des vieilles commères.

Second grand moment de la journée, le soir-même, en état de travail-flegme dans la salle d'ordinateurs, j'ai trouvé une annonce pour un lit. Ah ah. Le truc c'est que des annonces pour des lits, il y en a des paquets. Des supers affaires comme un lit double avec matelas pour 20 euros, ce genre de choses. Mais c'est toujours à pétaouchnok, où pétaouchnok veut dire Leppävaara, Tapiola, le nord d'Helsinki ou pourquoi pas la Laponie... Donc j'attendais avec impatience une annonce à Otaniemi, histoire de pouvoir transporter le lit avec mes petits bras. Et en voilà une qui arrive, à propos d'un lit dans le même bâtiment que moi ! Yay, j'appelle le gars immédiatement, et le lendemain à midi, j'ai un lit. Un beau lit 120x200 avec matelas et couette pour 25 euros. Et ça nous a pris 5 minutes à descendre du 4ième, et remonter au premier (oui, c'était le même bâtiment, mais pas le même escalier, quand même). Et ça c'est cool.

Donc maintenant j'essaye de trouver une organisation bien pour ma chambre. J'ai un lit, un bureau et un canapé, quelques chaises, un tapis moche, et des rideaux pris dans la cuisine. Je devrais arriver à faire quelque chose... Mais c'est pas si facile, l'organisation de l'espace. Je devrais faire du feng-shui, ça m'aiderait peut-être. Le lit c'est mieux dans un coin, mais y'a aucun coin qui va (pans de murs trop courts, ou plinthe en plastique qui fait que le lit ne va pas vraiment dans le coin). Donc peut-être mettre seulement le côté tête contre le mur, comme si c'était un lit deux places. Et puis le bureau irait bien dans le fameux coin avec plinthe, parce que c'est là qu'il y a le plus de lumière, et aussi la prise Ethernet, au passage. Le canapé va pile poil entre la fenêtre et les armoires incrustées, mais du coup ça laisse le mur restant vide. Et le vide, ça fait peur. Donc c'est pas facile. J'y réfléchis. Pour l'instant le lit est en plein milieu, et finalement, même si c'est pas très pratique, ça remplit l'espace.

Je passe directement à mardi soir. Lessive. Non. Enfin oui, mais on s'en fout. C'était le fuksisitsit. Le sitsit pour fuksit. Mais qu'est-ce donc qu'un sitsit ? C'est une fête que l'on fait souvent par ici, qui consiste en un diner bien habillé autour de grandes tables bien préparées, avec pleins de rituels assez formels. J'ai failli ne pas pouvoir y aller, d'ailleurs, parce que je n'avais pas vu (ou on ne m'avait pas dit) qu'il fallait réserver sa place... Or j'avais très envie d'y aller parce que Lissu m'avait dit qu'elle allait y danser. Donc la veille au soir, à l'arrache (normal quoi) j'écris aux organisateurs pour savoir si par hasard il ne restait pas de place. Par le plus grand des hasards. Et bien non, en fait c'était même plein depuis plusieurs semaines. Sauf que, encore plus tard dans la nuit (merci les soirées devant l'ordi avec les chinois qui jouent à des jeux de rôles en réseau jusqu'à pas d'heure...) je reçois un second mail de ma chère fuksikapteeni, qui me dit que ô joie, il y a eu un désistement et que je pouvais donc venir le lendemain. À l'heure qu'il était, c'était plutôt le soir même, mais c'est un détail.

Lendemain soir, donc, allons à ce diner formel. Suffisamment formel pour qu'avant le sitsit, il y ait un amphi pour expliquer les usages et bonnes manières. C'est parti pour une présentation en Finnois (oui j'étais le seul étranger encore hein...), dont je ne comprends que quelques grandes lignes. Pour accompagner les explications, une table était montée devant nous, où six membres de la guilde faisaient les gestes en même temps. Comme dans les avions. Sauf que là, ils mangeaient (en vrai), chantaient (en vrai, et faux) et buvaient (en vrai aussi, et sachant qu'ils iraient au vrai sitsit ensuite). Donc en gros, un sitsit c'est un repas où on passe son temps à chanter, dès que le maitre de cérémonie interrompt le repas avec son gong, c'est à dire tout le temps. On chante une chanson désignée par son numéro dans le livre de chansons (très joli petit livre), et à la fin de la chanson on trinque avec son « avec » (mot Français) puis son anti avec ou contre avec, je ne sais plus, puis avec le « avec de table ». Explications. Normalement, les garçons et les filles s'assoient alternativement, de façons à ce qu'un garçon ait des filles à droite, à gauche, et en face. Inversement pour les filles, de façon logique. Si je me souviens bien, pour un garçon, le « avec » c'est la fille à sa droite. À sa gauche c'est son « contre avec » et le avec de table c'est la fille en face. Un truc comme ça (oh c'était en Finnois hein...). Et là aussi de manière logique, pour une fille, le avec est à gauche, l'autre est à droite, et le troisième en face.

Si tout ça se goupille bien, le trinquage se fait harmonieusement et de façon synchrone, donc c'est joli. Et après le triple trinquage on boit une gorgée de... ce qu'il y a dans le verre. C'est à dire, au début du repas, un truc fort et blanc (viina en VO, c'est à dire n'importe quoi de fort) qui était probablement de la Koskenkorva, la vodka la plus répandue en Finlande. Avec le plat, un verre de vin et avec le dessert, une sorte de truc fort et immonde dont on m'a dit plus tard que c'était suédois. Peut-être.

Et donc, on passe son temps à chanter, parce que non seulement le maitre de cérémonie ne laisse jamais plus de deux minutes s'écouler entre deux chants, mais aussi parce que n'importe qui dans la salle, s'il trouve que c'est trop calme, peut crier une phrase que je n'ai pas retenue, mais qui doit vouloir dire quelque chose comme « mais qui c'est qui tient cette maison aussi mal » (traduction + de mémoire = c'est surement complètement autre chose), auquel cas il se doit de sonner le gong et lancer une chanson. Ça veut aussi dire que le plat, on le mange froid, et aussi que dès qu'on peut, on se rue sur la bouffe pour éviter d'avoir à manger complètement glacé. Mais le proverbe (si c'en est un) dit que dans un bon sitsit, on mange les plat froids chauds et les plats chauds froid. Voilà voilà. Quand aux chansons, il y en a en Finnois, en Suédois (l'orthographe du Suédois est fort... étonnante, et la relation écrit-oral pas toujours évidente), en Allemand, en Estonien (je crois), quelques bouts en Anglais... Certaines sont sur des airs connus, d'autres sur des airs connus locaux, d'autre complètement originales. Donc comme dans la salle il n'y avait que quelques « anciens », c'était un brouhaha assez marrant. D'ailleurs certaines chansons ont des solos réservés aux organisateurs, et c'est là que l'on peut juger de leurs talents, quand un silence religieux les attend. On peut aussi juger de l'ébriété du groupe de ceux qui avaient fait la présentation en grandeur nature, et notamment de la secrétaire de la guilde qui en plus de chanter très faux, avait du mal à monter et descendre de sa chaise. Mais tout ça restait très raisonnable, tout de même. Avec les gens bien habillés et tout, on aurait presque cru à un vrai diner chic. Les chansons sont apparemment souvent en lien avec l'alcool présentement sur la table, et d'autres requièrent divers mouvements idiots. Une des chansons était chantée par les garçons seulement, qui doivent se mettre à genou devant leur « avec », et je suppose que les paroles étaient bien poétiques comme il fallait. Vu le nombre de filles, les gens se regroupaient en grappes, c'était assez marrant. La fille la plus proche de moi (en face à droite) était d'ailleurs magnifique, mais avait l'air de se faire chier comme un rat mort, et l'expression est faible. Dommage pour elle.

Et il faut mentionner les trois spectacles qu'il y a eu au cours de la soirée. Le premier était donné par le chœur de l'école. C'était un chœur à quatre voix. Superbe. Magnifique. Tout ça. En plus j'étais en presque bout de table, donc juste à la meilleure place (à trois ou quatre mètres). Non seulement ils étaient très très forts, mais ce qu'ils chantaient était très beau. Ça allait, musicalement, du classique (voire baroque) à du quasi jazz, en passant par une chanson qui parlait de la vie à Otaniemi sur l'air de Mister Sandman (c'est tout ce que j'ai compris des paroles hein). J'étais aux anges.

Le second spectacle, c'était de la danse (tant attendue) et c'était très chouette aussi. Contemporain, avec des musiques sympas et des chorés impressionnantes. Je crois (mais de loin) que c'était le même groupe de danseuses que celles qu'on avait vues à Smökki lors d'une des premières fêtes de l'année.

Et le troisième, c'était la fanfare, ou big band, ou quel qu'en soit le nom, qui a joué pleins de morceaux inconnus. Mais le spectacle était surtout pour les yeux, en fait, parce qu'il se passait autant de choses non musicales que de musique : l'un cachait l'instrument de l'autre, démontait son pupitre, faisait passer les partitions aux autres. Ils se courraient après (tout en jouant), se tapaient dessus. Un type a défoncé je ne sais quoi avec une énorme masse (ça faisait un bruit de céramique en tout cas), deux autres ont fait la course autour de la salle tout en jouant du trombone, et en se rechargeant comme des formules 1 en buvant un truc qui ressemblait à de l'eau mais pouvait très bien être n'importe quoi d'autre. À un moment un type avec un masque à gaz surgit de nulle part avec une tronçonneuse (allumée !) et fait semblant de couper tout ce qui lui tombe sous la main... Chaises tables, murs, la table juste où j'avais la main y'a deux secondes (AAAAAAAAH mais il est taré lui !)... Bon en fait sa tronçonneuse n'avait pas de chaine, mais c'était une vraie quand même, et allumée (ça puait bien l'essence après, d'ailleurs). Y'a même eu un cracheur de feu (à l'intérieur, non ça ne l'a pas gêné). Bref c'était bien barré, mais plutôt marrant.

Seule ombre au tableau, je me suis retrouvé encadré par des gens qui n'avaient pas l'air de vouloir parler Anglais, donc le peu de temps qu'il y avait entre les chansons et spectacles, je n'ai pas beaucoup communiqué. Tu me diras, je mangeais, mais bon. C'était pas les plus cools de la bande, quoi.

Heureusement, une fois le repas terminé, la salle s'anime d'une autre sorte de musique (BOUM BOUM BOUM BOUM) grâce aux soins de Juha-Matti (le gars chez qui j'ai fait ma première after party, et oui, j'ai retenu son nom !), et voilà les jeunes qui passent en mode boite de nuit. Je préfère m'éloigner et enfin discuter avec les gens qui aiment les étrangers. Oui oui, y'en a, je trouve toujours quelqu'un à qui parler. Et Esa qui me dit que si personne ne me parle, c'est juste par timidité. Ça a l'air d'être vrai en plus. C'est marrant, à chaque fois que je le vois, il me ressort son speech qui dit que je suis le mec le plus important de la guilde, parce que je viens à tous les évènements avec les finlandais, et que du coup ça les fait parler Anglais (ou Français), et que c'est une partie importante de l'éducation à l'université, parce que les entreprises cherchent des gens qui ont pratiqué les langues étrangères, etc. J'adore ce type. Par contre quand il a essayé de me balancer sur la piste de danse au moment du slow final (tellement classique) ça a bien foiré. Et pas que parce que j'avais pas envie, en plus. J'avais juste pas assez de filles... Ça me rappelle une autre école, ça... Sauf que des diners bien habillé y'en a pas aussi souvent... Mmm ?

Et enfin, quand on s'est fait virer de la salle (c'était dans le bâtiment de la guilde des suédophones, d'ailleurs. Drôle de bâtiment. Et je crois qu'à plusieurs moments le chef de cette guilde qui était avec nous a lancé des chansons en suédois. Mais là encore c'est de la devinette.) il y avait une suite à Gorsu, un autre sauna du campus, que je n'avais jamais vu. Installé dans une ancienne laverie au sous-sol d'une résidence.

Mais pour une fois, j'ai fait l'impasse sur le sauna. J'avais la flegme d'aller chercher ma serviette (qui était plus ou moins à deux cent mètres, mais bon), et je discutais avec plein de gens.

Donc voilà, encore couché à quatre heures du matin. Mais c'était une bonne soirée. Je sais juste que le prochain sitsit, j'irai avec quelqu'un que je connais. Là ça doit être juste génial.

Pas grand chose depuis. À part le travail, bien sûr (hin hin hin). Hier et aujourd'hui, il y avait la présentation des clubs et associations, dans le bâtiment principal. Hier matin je dormais pour récupérer du sitsit, et ce matin j'étais un peu pressé donc je suis passé en vitesse, mais sauf les stands où c'était évident (comme celui où le gars fabriquait des rapalas, ou celui où un DJ était plus ou moins en transe), les autres ressemblaient tous un peu à la même chose, vu que les indications en Finnois ne m'éclairaient pas beaucoup. Décidant que le critère « Quel stand a la plus jolie fille ? » était un peu léger, j'ai préféré passer mon chemin et aller manger pour ne pas rater le début de mon cours de Finnois.

Et voilà, c'est tout. Demain j'ai un cours à neuf heures, et si je ne me sens rien d'autre d'important à faire, j'irai surement visiter Sello, un grand centre commercial d'Espoo, parce que j'aime visiter les centre commerciaux (oui je suis bizarre), et aussi parce qu'il y a là-bas un magasin d'informatique. Et il pourrait bien me venir la pulsion d'acheter de quoi ne plus passer mes soirées libres avec les chinois à Maarintalo, mais dans mon lit avec un ordi pour me réchauffer les cuisses.

Juste parce que j'y pense, en parlant de réchauffer. Le chauffage n'est toujours pas allumé, et c'est vraiment pas la peine. La toute puissance du triple-vitrage répartie en deux épaisseurs de fenêtres fait que même quand j'aère plusieurs heures par jour (ie : quand j'oublie la fenêtre ouverte le matin), la chaleur du reste du bâtiment suffit à chauffer ma chambre, et que la couette est limite de trop.

D'ailleurs, ma responsable international du département, quand je suis allé la voir à propos de la validation de mon plan d'étude, a fini par me parler de sa fille qui est allée en France, et qui s'est caillée en Bretagne, parce que en Finlande, la température dans la maison c'est toujours autour de 20 degrés, alors que en Bretagne, apparemment, on enfile un pull de plus, et on se contente de 15. Mais c'est vrai qu'ici, les logements sont toujours très bien isolés, donc je suppose qu'avec autant voire moins de chauffage, on a des meilleures températures dans les maisons. On pourrait en prendre de la graine, ça ferait des économies.

Bon, j'ai comme l'impression que ça fait beaucoup de texte, tout ça. À vous les studios !